Mot-clé choisi : Dorothée
Traversant la chambre des enfants, je m’apprêtais machinalement à enjamber ma progéniture abrutie d’images et vautrée sur la moquette, pour éteindre le téléviseur barbitural d’où montait sans grâce le beuglement sirupeux d’un chanteur écorché vif; quand soudain, Dieu me turlute, vous m’apparûtes. Vous m’apparûtes, Dorothée, mon amour – Vous permettez que je vous appelle mon amour. Je crus défaillir. Je sentis le fa se dérober sous mes pas, alors que normalement c’est le sol, c’est vous dire à quel point j’étais bouleversé.
Mes bras tremblaient, mes jambes flageolaient au gigot, c’est tellement meilleur, bref mes membres, je veux dire la plupart de mes membres mollissaient. J’aurais voulu tourner le bouton car les boutons sont faits pour qu’on les tourne, sinon ça finit par couiller… rouiller, mais je n’avais de fesse … de cesse … mais j’étais comme figé devant votre visage, ma bien aimée – vous permettez que je vous appelle ma bien aimée! – La pétillante exhubérance de vos yeux, la troublante malice de votre pipe … la troublante malice de votre bouche à faire l’épître selon Saint Mathieu, l’érotisme acidulé de votre voix de gorge profonde quoiqu’enfantine, mais l’avaleur n’attend pas le nombre des avalés, l’ourlet gracile de vos oreilles sans poil aux lobes, la finesse angélique de votre mou de nez de putain … de votre bout de nez mutin dont la pointe rose se dresse vers la nue comme le goupillon trempé d’amour que Mgr Lefèvre agite à la Sainte-Thérèse…